En partance, roman de gare lesbien (partie 5)
Sitôt
que nous sortimes de la cabine, gloussante, elle prît alors mes mains
qui s'avançaient bine, soumises, implorantes, vers les siennes <<
Tu viens ? me dit-elle >>, puis m'ayant aggrippée, elle me tira
fermement le long du couloir jusqu'aux toilettes, où disait-elle aussi,
il fallait << absolument >> qu'elle aille.
Elle hésita devant une porte où elle voulut me laisser derrière, mais je me rapprochai d'elle.
Elle
me dit amusée et de sa voix un peu rauque de féline conquise qui en
définitive ne me reprochait rien, << tu exagères ! >>, et
nous poussâmes la porte des toilettes ensemble, où derrière celle-ci,
coincées de toute part, nous nous embrassâmes très tendrement, les
mains collées, et aussi intimement que si nous étions pour toujours
inséparables.
La
tension et la chaleur que je ressentais contre elle n'avaient jamais
été aussi grandes pour aucune femme, et même si je redoutais la
froideur du coeur de celle qui était entre mes bras, il était désormais
trop tard pour réfléchir, j'avais succombé, déjà follement amoureuse.
Elle me dit son prénom, Chantal, et me demanda le mien.
Elle
était très tendre et déposa un baiser sur mes yeux, comme pour
s'excuser de l'énigme glacée qu'ils allaient découvrir en la
contemplant.
Elle
voulut alors me mettre dehors pour profiter des toilettes, mais je me
détournai simplement, et refermai le verrou sur nous.
Faisant mine d'un peu de colère, elle était déjà déshabillée et assise quand je me retournais.
Je m'agenouillais alors tout contre elle, et nous continuâmes à nous embrasser.
Je l'aidai à se rhabiller.
Le train était presque arrêté en gare, quand nous entendîmes des sifflets et du vacarme dans le train.
On criait police, papiers.
Chantal poussa un juron et passa devant moi pour entrouvrir la porte.
Elle jeta rapidement un oeil, puis disparut par la portière ouverte du train.
Je m'engouffrai alors derrière elle, à sa recherche.
Désorientée, je ne la vis pas tout de suite.
Des hommes le long du wagon, peut-être des policiers en civil, venaient vers moi, à quelques mètres en face.
Je
vis alors Chantal qui tentait de sortir de la gare sur ma gauche, là où
il y avait des petites barrières en bois et des ouvertures, et je
courus vers les policiers pour faire diversion, plutôt que de la suivre.
Ils
tentèrent de me saisir quand je fus à leur hauteur, mais je continuai
vers la gare, où je vis Luigi et son compère se presser eux aussi
contre les portes.
Apparemment la police bouclait l'entrée de la gare et personne ne pouvait sortir par là.
Je
profitai du mouvement affolé de voyageurs devant prendre notre train,
pour me glisser derrière eux, et revenir vers l'endroit du quai où
Chantal s'était peut-être échappée quelques secondes plus tôt.
Un policier, me tournant heureusement le dos, m'empêchait d'aller plus loin.
J'enjambais
donc aussi vite que possible un grillage presqu'aussi haut que moi, en
me griffant largement au passage les mains, les épaules et la joue et
je sentis mon sang couler.
Je
courus ensuite me cacher derrière un transformateur electrique à
quelques mètres, où j'attendis bien une dizaine de minutes, jusqu'à ce
que je vis enfin des voyageurs passer devant moi.
J'entendis encore le train qui repartait avec mes affaires à l'intérieur.
Je
pensais alors à retrouver Chantal et je partis aussitôt vers les
ruelles de cette cité italienne tout-à-fait inconnue où je venais de
débarquer.
Je marchais, puis accélerais le pas, et courus pour finir.
Mais je ne trouvai pas Chantal.
Perdue,
j'interpellai une passante pour lui demander la direction de la gare et
y revenir par d'autres rues afin de tenter de ratisser le secteur.
Et si elle n'était déjà plus là, ou si elle avait été rattrappée par la police ?
Que
faire ? Se livrer ? Mon cerveau tournait à toute allure et était en
réalité incapable de réfléchir, c'était l'affolement total et l'ivresse
de la liberté tout en même temps avec l'amour si peu sage de cette
femme.
Faire rechercher Chantal, mais comment ?
Et moi, je n'avais rien à me reprocher, mais elle ?
Je
m'arrêtai quelques secondes à nouveau, épuisée et déshydratée, pour
acheter une boisson à un étalage, et je remontai alors la rue avec la
gare à l'horizon, quand je la vis, elle, prendre une autre rue sur ma
gauche !
J'étais sauvée !
Je l'appelai.
Elle se retourna et m'attendit.
<< Alors ? >> me dit-elle, inquiète, mais amusée.
<<
Je vous ai cherchée, je croyais ne plus vous revoir ! La police a
bouclé la gare et le train est reparti avec nos bagages ... >> .
Triste constat.
Elle
rit à cette énumération, et remarquant mes éraflures, d'autorité, elle
se fit un devoir de tamponner mes plaies avec son mouchoir mouillé avec
sa salive.
Ca me piquait horriblement.
Sans arriver à me rebeller ni à bouger, je lui dis quand même qu'elle me faisait mal.
Elle s'arrêta et rit encore de plus belle.
Je
lui proposai ma boîte de soda intacte, qu'elle ouvrit en me remerciant,
et nous continuâmes le long de cette rue, puis de deux autres, au
hazard.
Je ne posais plus de questions. A quoi bon.
Je la suivais simplement.